La baisse de l'inflation est effectivement plus rapide qu'attendue. L'inflation sous-jacente recule dans la majorité des économies avancées. Cet indicateur est « désaisonnalisé », c’est-à-dire qu'il permet de dégager une tendance de fond de l'évolution des prix. Dans la pratique, les prix soumis à l'intervention des États sont exclus (électricité, gaz, etc.), de même que les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais, viande, etc.).
En France, l'indice des prix à la consommation (IPC) recule nettement, ce qui constitue également un signal positif.
Evolution de l’indice des prix à la consommation en France
L'IPC est basé sur l'observation d'un panier fixe de biens et services, actualisé chaque année. Chaque produit est pondéré, dans l'indice global, proportionnellement à son poids dans la dépense de consommation des ménages.
Même si quelques indicateurs sont de nature à nous rassurer, nous ne sommes pas tirés d’affaires pour autant puisque la récession nous guette.
Globalement, nous sommes déjà entrés en récession en Europe, et la question se pose aux États-Unis. Les États-Unis pourraient être également concernés, même si l'économie y est plus robuste qu'en Europe.
Je base mes propos sur deux indicateurs forts, qui sont la courbe des rendements obligataires et le resserrement des conditions d'octroi de crédits aux États-Unis.
Graphique représentant l’évolution du resserrement des conditions de crédits aux US
Il est important de noter qu'à chaque fois que l'économie des États-Unis a connu un tel resserrement des conditions de crédit, une récession est intervenue, ce qui n'est pas de bon augure, mais une exception demeure possible.
Ces graphiques sont également annonciateurs d’une récession. À titre d’explication, lorsqu’un acheteur achète des obligations d'États, il octroie un prêt à cet État. En contrepartie, l'État lui verse un rendement que l’on appelle un coupon. Lorsque le contexte économique est « normal », les obligations à long terme rapportent plus que les obligations à court terme (il s’agit de la prime de risque). Puisque je prête de l'argent sur une durée plus longue, le risque que des évènements surviennent et compromettent mes chances de récupérer mon argent grandit.
Lorsque la confiance baisse et que les investisseurs anticipent une récession, la courbe s’inverse. Le rendement des obligations à court terme augmente, car les investisseurs estiment que le risque est plus élevé à court terme. Le retournement de la courbe des taux peut alors signifier qu'une récession arrive (bien qu'il existe de rares exceptions, une récession est toujours précédée d'une inversion de la courbe des taux).
Il existe beaucoup d'autres indicateurs à consulter afin d’évaluer le risque de récession (notamment l’emploi, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, etc.), et dans bien des cas, ils pointent vers un risque de récession, même aux États-Unis.
D'ailleurs, s’agissant de la hausse des taux directeurs, il est important de noter que la récession intervient souvent dans un délai moyen de 18 mois après les premières hausses de taux. Devinez à quand remontent les premières hausses de taux ?
En conclusion, la probabilité d’une récession est donc réelle, peut-être même aux Etats-Unis. L'inflation semble sous contrôle, mais les politiques des banques centrales auront des conséquences sur l'économie.
La récession expliquée simplement
Imaginons que l'économie d'un pays soit représentée par un grand manège qui tourne en rond. La plupart du temps, le manège tourne très vite et tout le monde est ravi. En effet, les entreprises gagnent de l'argent, les habitants ont du travail, les taux d'intérêts se situent à des niveaux raisonnables, tout va bien.
Cependant, il arrive parfois que le manège ralentisse, voire s'arrête un peu. Ce ralentissement peut être causé par une crise financière, une perte de confiance des consommateurs ou une hausse des taux d'intérêts. C'est la récession.
Lorsqu'il y a une récession, la vie est plus compliquée pour tout le monde. Les entreprises peuvent avoir du mal à gagner de l'argent, ce qui peut entrainer des licenciements et donc des pertes d'emplois. Les habitants, inquiets pour l'avenir, dépensent moins d'argent, ce qui fragilise les entreprises en retour. Par ailleurs, un moindre niveau de dépenses signifie également moins de recettes fiscales pour l’État, ce qui pourrait le contraindre à chercher de nouvelles sources de recettes. La situation est donc beaucoup plus compliquée en période de récession.
Les marchés financiers sont également touchés, car la bourse est le lieu d'échange des actions des sociétés. Or, lorsque les entreprises sont en difficultés, le cours des actions baisse, particulièrement lorsque la récession est sévère. (On peut alors parler de dépression, la plus importante ayant été la grande dépression américaine des années 30, durant laquelle le PIB des États-Unis a chuté d'un tiers entre 1929 et 1933.)
Quid de l’impact d’une récession sur le marché boursier ?
Si l’on en croit l’équipe de Lazard Frères Gestion, qui a tenté de répondre à la question en se basant sur le marché américain depuis les années 70 (7 récessions répertoriées), « le point bas sur les valorisations a toujours été atteint après l'entrée en récession. Par ailleurs, la baisse moyenne entre le précédent point haut et le point bas touché pendant la récession, a été de 37%. En général, le point bas est atteint moins de trois mois après le début de la récession. »
Dans ces conditions, nous pourrions estimer qu'une baisse des marchés est possible mais que son ampleur ne peut être estimée pour le moment. En effet, les différentes récessions répertoriées sont nées de sources diverses. Certaines récessions sont plus « léthales » que d'autres, surtout si le marché (et donc les investisseurs) est surpris, car le marché déteste par-dessus tout l'incertitude.
S'agissant de la récession, nous pourrions penser (du moins c'est mon avis), qu’une récession ultra-téléphoné, qui serait née d’une « orchestration » des banques centrales via une hausse de leurs taux directeurs (donc des mesures contrôlées, réfléchies, pour réduire l'inflation) aurait un impact économique moindre qu'une récession « non contrôlée ». Aussi, le scénario d'un "atterissage en douceur" n'est pas à exclure.
Même si cela s'avérait vrai, la prudence resterait donc de mise, car il suffirait que la récession surprenne (même légèrement) le marché par son ampleur pour générer un vent de panique significatif. De surcroit, une erreur de communication des banques centrales, une baisse des taux trop rapide ou trop tardive, pourraient conduire à une situation échappant à tout contrôle.
Les banques centrales se trouvent donc dans une situation délicate, car il est fondamental qu'elles abaissent leurs taux suffisamment tôt de manière à limiter l'impact de la récession. À l'inverse, une baisse prématurée des taux pourrait conduire à une reprise de l'inflation et de très graves retentissements.
En conclusion, l'inflation n’est pas encore totalement vaincue. Il faut par ailleurs s'attendre à des faillites d'entreprises, des licenciements et une potentielle correction des marchés financiers. Cette situation pourra être source d'opportunités et les allocations d'actifs devront être ajustées, le cas échéant. Le scénario de l'atterissage en douceur pourra être éventuellement envisagé dans quelques temps, mais la prudence reste de mise.
Les banques centrales ont globalement plutôt bien organisé l'évolution des taux directeurs et soigné leur communication ce qui contribue à maintenir la confiance des marchés.
Quoiqu’il en soit, une récession, si elle intervennait, resterait une récession et apporterait nécessairement son lot de conséquences négatives sur l'économie.