Y-A-T'IL DES LIMITES À CE QUE L'ON PEUT DONNER À NOËL ?
La notion de présent d'usage
Pour commencer, il est important de savoir en quoi consiste la notion de présent d’usage. L’article 852 du code civil indique qu’il s’agit : « Des cadeaux n’excédant pas une certaine valeur et qui sont faits à l’occasion de certains événements et conformément à un certain usage, éléments qui doivent être relevés par les juges de fonds ».
Deux éléments viennent à l’esprit en lisant cette définition. Premièrement, il n’existe pas de barème déterminé pour apprécier la qualification de présent d’usage. Deuxièmement, le présent d’usage doit être consenti lors de certains évènements.
Pour poursuivre, le caractère de présent d’usage est donc déterminé au moment où il est consenti et en considérant le patrimoine du disposant… Il doit donc être relativement raisonnable par rapport au patrimoine du donateur. Cette qualification pourrait donc être retenue pour certains et pas pour d’autres pour un même présent donné puisque c’est la situation patrimoniale du donateur qui est appréciée.
Un faisceau d'indices
Même si aucun barème n’existe, des indices, s’ils étaient réunis, pourraient conduire à penser que la qualification de présent d’usage serait retenue en cas de contentieux. (Sous réserve que le présent soit raisonnable compte tenu du patrimoine de la personne qui donne.) Notons toutefois, que seul le juge, à pouvoir pour trancher.
Il doit avoir lieu à l’occasion d’un évènement de vie, conformément à un usage. Le fait d’offrir un cadeau à un anniversaire, un mariage, l’obtention d’un examen, la naissance d’un enfant ou Noël est tout à fait recevable. Pour autant, le fait d’offrir un cadeau un mois après un anniversaire ou avant la réussite d’un examen (J’ai déjà vu faire…) pourrait poser un sérieux problème en cas de contrôle fiscal.
Il doit y avoir une remise manuelle, de la « main à la main » et ce don ne peut porter que sur des biens dits « meubles » ce qui exclut de facto l’immobilier qui est un immeuble au sens juridique. Aussi, une voiture, des bijoux, du cash voire des parts de société ou des objets d’art peuvent être admis.
Les atouts du présent d'usage et les risques liés à une requalification
Les principaux avantages du présent d’usage sont qu’il échappe au formalisme des donations, au fisc et aux règles civiles. A ce titre, notamment, il n’en est pas tenu compte à la masse des biens pour le calcul de la réserve et la quotité disponible. (c’est-à-dire pour le calcul de la part revenant aux héritiers et de celle pouvant être léguée librement)
La requalification d’un présent d’usage en don manuel, pourrait donc avoir de lourdes conséquences, surtout si le cadeau est d’une valeur importante. En effet, le don pourrait être soumis au rapport civil, c’est-à-dire de rendre notamment et potentiellement redevable la personne ayant reçu le cadeau, d’une indemnité envers les autres héritiers. De plus, des droits de donations pourraient être dus et le rappel fiscal pourrait être engagé (en cas du décès du donateur dans les 15 années suivant le don / successions ouvertes et donations consenties depuis le 17 août 2021).
Comment sécuriser l'opération ?
Il me semble donc important de bien sécuriser le présent d’usage en matérialisant notamment une ou plusieurs preuves opposables au fisc en cas de contentieux. Il pourrait s’agir, par exemple :
- De la copie de l’attestation de réussite au permis de conduire
- De la copie de l’attestation d’obtention d’un diplôme
- De l’annonce de célébration d’un mariage
- De la copie d’une pièce d’identité ou extrait d’acte de naissance pour un anniversaire ou une naissance, etc.
Ensuite, dans le cas de la réalisation d’un virement ou d’une remise de chèque, il conviendra par exemple de préciser le motif. Une lettre signée de la main du donateur, précisant la nature du présent d’usage ainsi que la nature de l’évènement pourrait être un plus.
Dans tous les cas, le présent d’usage devra intervenir de manière concomitante à l’événement sans quoi le fisc trouverait à y redire.
Enfin, il peut être intéressant de mentionner un exemple de jurisprudence admise comme présent d’usage ainsi qu'un exemple de requalification :
Présent d'usage admis : une femme a offert à ses enfants pour Noël, deux chèques d’un montant unitaire équivalent à 30 500 euros environ, pour un patrimoine de 1 250 000 euros. La Cour d’Appel de Paris a retenu le caractère de présent d’usage.
Requalification : en 2013, la Cour d’Appel de Chambéry, a rappelé que l’émission de 3 chèques de 15 000, 1 800 et 20 000 euros en l’espace d’un an, effectuée par une mère à sa fille ne pouvait revêtir le caractère de présent d’usage, étant donné le revenu fiscal de référence de la mère (environ 23 500 euros)
En conclusion
En conclusion, le contour de la qualification de présent d’usage est assez clair même en l’absence de barème. La matérialisation de preuves est toutefois vivement conseillée pour éviter un contentieux fiscal. Les événements litigieux étant souvent portés à la connaissance du fisc par des héritiers mécontents lors de l’ouverture de la succession.